mardi, novembre 11

Pronétaires de tous les pays, unissons-nous, et nous abolirons la propriété privée


Imagine no possessions - I wonder if you can - No need for greed or hunger - A brotherhood of man - Imagine all the people - Sharing all the world. John Lennon était sans doute un visionnaire, car la propriété privée est peut-être en voie d’extinction. Pourquoi ?
Un coup d’œil sur nos relevés bancaires suffit pour le deviner.

Combien avez-vous dépensé en livres, journaux, musique, vidéo, jeux ? De moins en moins, sans doute, depuis que vous avez accès à Google Print - Gallica, les journaux sur Internet et les blogs, voire eMule ou BitTorrent.

Et inversement, de combien vous a-t-on prélevé chaque mois en tant qu’abonné, locataire, usager, souscripteur ... ? De plus en plus, je parie, depuis qu’on vous propose des services en veux-tu en voilà, tout compris, illimités... et depuis que vous ne pouvez plus vous payer la maison de vos rêves, devenue hors de prix, que la valeur de votre nouvelle voiture, écran plat, caméra a été divisée par deux en quelques mois, car ces biens sont déjà dépassés.

Et si nous poussions plus loin le raisonnement ?

Sur quels leviers notre société pourrait-elle agir pour nous inciter à abandonner la propriété privée ?

1) Soit vous rendez la propriété inaccessible (ex : trop cher pour être acheté)

2) Soit vous réduisez sa fréquence d’utilisation ou son bénéfice d’usage (donc, cela ne vaut pas le coup d’être acheté)

3) Soit vous lui faites perdre rapidement sa valeur (donc, pas d’intérêt à acheter)

Et quels serait les leviers principaux des pronétaires ?

4) Vous la rendez gratuite et permettez à chaque pronétaire de contribuer à lui donner de la valeur (d’usage)

Leviers de la société actuelle

1) Rendre la propriété inaccessible

Le cas le plus connu est votre maison ou appartement, qui deviennent si chers que vous ne pouvez que les louer.

Mais cela pourrait être une stratégie d’entreprise ; ainsi la société X pourrait augmenter les prix de ses produits de 20%, 50% voire 100%, et proposer un paiement à l’usage bien plus économique pour le client et fidélisant pour l’entreprise. (Vous pourriez vous payer un Renoir pour deux jours alors que nous devons être peu nombreux à pouvoir nous l’offrir définitivement.)

2) Réduire l’usage ou le bénéfice d’usage par le propriétaire

Pour réduire l’usage, il suffit que le prix d’usage augmente (augmentation voulue ou subie par le vendeur) ou de limiter l’utilisation du bien. (ex : dès à présent, votre magnétoscope VHS ne vous sert plus qu’à lire vos vieilles K7 car tous les vidéos clubs sont passés au DVD et d’ici peu, il en sera de même avec votre lecteur DVD, car ils seront bien vite remplacés par les DVD Blu-Ray et consorts...).

Si le rythme de ces changements s’accélère, quel est l’intérêt d’acheter un appareil que vous n’utiliserez que peu de temps ?

3) Faire perdre rapidement de sa valeur

Rien de tel, pour réduire la valeur de votre bien, que d’introduire rapidement des innovations (non compatibles avec les anciennes versions), des contraintes réglementaires. (ex : contraintes de sécurité, de pollution, de recyclage...), de dissuader de réparer en cas de panne (ex : pièce de rechange plus chère que l’appareil en panne) ou de dissuader de mettre à niveau / "l’upgrade" (ex : plus cher ou difficile de faire évoluer son ordinateur actuel que d’en acheter un).

De gré ou de force, vous n’y couperez pas, vous allez devoir changer de matériel.

Quelles sont vos alternatives ?

Ces trois raisons possibles vous dissuaderont d’acheter ou d’investir à fonds perdus.

Vos alternatives sont d’abandonner votre statut de propriétaire pour celui de locataire, abonné ou souscripteur pour une plus ou moins longue durée et même si vous achetez à crédit, il y a souvent une hypothèque ou une clause de réserve de propriété qui vous ôtera une partie de votre propriété.

Prenons un cas concret, la voiture.

1) Si le prix des voitures augmente (pas le cas actuellement)

2) Si le prix du carburant augmente et qu’il vous est de plus en plus difficile de circuler en voiture (larges zones piétonnes en ville, parking limité ou à la périphérie, péages de plus en plus chers, embouteillages incessants...)

3) Si le constructeur introduit des innovations importantes (sécurité, consommation, communication, détection ou anticipation de pannes, d’accidents) vous incitant à changer de véhicule, et que la réglementation devient de plus en plus restrictive et sévère (ex : par le biais, par exemple, d’un contrôle technique de plus en plus difficile à satisfaire pour des véhicules de quelques années, des taxes dissuasives pour les véhicules consommant ou polluant au-delà d’un certain seuil...).

Vous réfléchiriez à deux fois avant d’investir dans une voiture. Mais si un constructeur automobile ou de transports vous proposait, pour des mensualités raisonnables, la possibilité d’utiliser une voiture, une moto, un vélo en combinaison avec le taxi, les bus, les trains... un service de mobilité tout compris, où vous n’auriez plus à vous soucier de l’assurance, des révisions, du parking... un service sans couture, modulaire, toujours adapté à vos besoins et aux contraintes du moment, vous pencheriez peut-être pour cette solution. Cela existe déjà en partie avec les locations longue durée, mais on peut être encore plus inventif...

Et maintenant, quelle serait une solution vue d’un œil pronétarien ?

4) Rendre gratuit (ou très peu cher)

A la différence des trois autres raisons de ne plus acheter, rendre gratuit est un levier typiquement pronétarien et qui nous apporte un bénéfice réel.

Bien sûr, il y a de nombreux exemples connus : l’accès gratuit aux encyclopédies (type Wikipedia), plans (Google Earth, ViaMichelin...), journaux, livres (Google Print, Gallica)... en ligne, mais il y a aussi des initiatives qui sortent de l’écran plat, comme l’offre de communications mobiles gratuites grâce au partage des réseaux WiFi des particuliers et l’utilisation d’un mobile WiFi (voir Fon.com en Espagne).

Avec les Fab labs (sorte d’imprimantes 3D) que cite Joël de prélevé, chaque pronétarien pourra à terme créer ses propres objets en plastique, partager ses plans ou récupérer ses plans issus d’Internet. Nous assisterons peut-être même à une "linuxisation" (avec des modèles open source améliorés par la communauté) de certains types d’objets, les jouets, les pièces de rechange, la vaisselle... On pourrait même imaginer des fab labs installés dans les magasins photos labs... Mais surtout son développement dans les pays en voie de développement mérite que nous nous attardions...

Vous vous souvenez, pour trois bonnes raisons, avoir abandonné votre voiture au profit d’un service tout compris, mais allons plus loin... Enfilons un instant nos lunettes pronétariennes, et imaginons une histoire un peu différente...

"Il est samedi, 19h. Le téléphone portable à la main, je jette un coup d’œil sur Netvibes mobile. Mon flux RSS FreeTheatre m’indique que la première de la pièce de théâtre collaborative Donnez-moi un blog et je vous écrirai une pièce a lieu dans trente minutes à plus d’une dizaine de kilomètres de chez moi. Pas de panique, bien que j’aie abandonné ma voiture perso depuis longtemps. Un petit clic, et j’atterris sur le site e-Car.com ("everyone’s car" - la voiture pronétarienne qui nous donnera des ailes !). Plusieurs options me sont proposées pour me rendre au spectacle : le bus 40 mn , le métro 30 mn et l’e-car 20 mn.

Le choix est vite fait... Je confirme la troisième option sur mon mobile qui m’indique le chemin pour récupérer l’e-car laissée par un pronétarien à deux cents mètres de chez moi.

Près de la voiture, j’approche mon mobile de la serrure, la portière se déverrouille automatiquement (un code d’accès a été transmis à mon mobile quand j’ai confirmé mon choix qui l’a transmis à la voiture via la puce RFID).

Je m’installe dans la voiture, qui m’indique avec le GPS le chemin à prendre pour aller au spectacle. J’arrive, mais comme d’hab, pas de place pour se garer. Heureusement, la chance est avec moi, deux pronétariens quittent une place de stationnement pas très loin. Mon e-car en est directement informée et me guide vers la place la plus proche. Je laisse l’e-car sur place et pars au spectacle, pile poil à l’heure.

A la fin du spectacle, je vérifie sur e-Car.com les options pour retourner chez moi. L’e-car que j’avais garée a été prise depuis belle lurette par un autre pronétarien, et pas une seule e-car à la ronde. Faute de mieux, il me propose un trajet en Noctambus, jusqu’à une e-car stationnée près du cinquième arrêt. C’est un peu long, mais bon, c’est mieux que de faire de l’auto-stop.

Tout à coup mon téléphone vibre. A deux pâtés de maison, un pronétarien roule en e-car dans la même direction que mon home sweet home. J’appuie sur OK pour choisir cette option. Le pronétarien reçoit un petit message lui indiquant qu’un "compatriote" souhaiterait bien se joindre à lui pour rejoindre ses pénates. Je reçois un accusé de réception, il accepte de me prendre (j’ai une note d’appréciation 4/5, mais surtout il voit que comme lui, je suis fana de théâtre, et ’il voudrait bien savoir ce que vaut le spectacle Donnez-moi un blog...). Son e-car lui indique où je suis, et il s’arrête à ma hauteur pour m’emmener.

Je place mon téléphone juste à côté du lecteur (RFID) de l’e-car, ainsi nous nous partagerons les frais du trajet jusque chez moi. On discute de la pièce, puis il me propose de faire un petit crochet jusque chez moi.

Arrivé à bon port, je le remercie et appuie sur la touche "Arrivé" de mon mobile. Pas de souci pour le paiement, ma facture téléphonique sera majorée de 12 € pour 32 km parcourus aller-retour (16 km aller * 0,5 € / km (car seul) + 16 km * 0,5 € /km / 2 (car à deux)). Je donne une appréciation de 5 à ce conducteur providentiel d’e-car. Avec un peu de chance, il me notera aussi bien...

Ainsi, se termine ma petite virée de pronétaire..."

J’aurais pu aussi vous parler du minibus pronétarien, sorte de taxi collectif qui, en fonction de sa position, de sa direction et des vôtres, peut vous proposer pour un prix encore plus réduit de vous emmener, ou encore de l’e-home (everyone’s home), qui est la version Web 2.0 de "J’irai dormir chez vous" d’Antoine de Maximy (vous partez en vacances et recherchez sur votre mobile si des pronétariens veulent vous accueillir pour la nuit.)

Si vous vous avez des idées, n’hésitez pas à les donner. Et si vous les mettez en place, racontez-nous votre histoire.

Dimitri
(Article publié à l'origine sur Agoravox le 5 septembre 2006)

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